Changement de génération chez les militaires
Malgré les purges répétées qui, au cours de la dernière décennie, ont renouvelé la hiérarchie militaire en écartant tous les éléments potentiellement réformateurs, la junte affronte actuellement sa plus importante transformation générationnelle. Une évolution qui, dans l’esprit des dirigeants actuels, équilibrerait les forces, permettant ainsi de contenir les rivalités internes et d’assurer leur retrait graduel du pouvoir. Parallèlement, le gouvernement glisserait vers un système certes toujours autocratique, mais dans lequel l’ingérence de l’armée revêtirait une forme civile, par l’intermédiaire d’une formation comme le tout nouveau Parti de la solidarité et du développement de l’Union (Union Solidarity and Development Party, USDP) et de milieux d’affaires acquis à la défense de ses intérêts. Mais beaucoup d’observateurs estiment qu’en concédant des élections (si contrôlées soient-elles) pour se parer de vertus civiles, les généraux troqueraient simplement l’uniforme militaire pour le longyi (jupe traditionnelle des hommes) des politiciens birmans : blanc bonnet et bonnet blanc, en somme. Par ailleurs, quelles seront les relations entre les officiers les plus haut gradés de Tatmadaw (cette génération montante représentée par les généraux Myint Aung, Ko Ko, Min Aung Hlaing et Kyaw Swe, tous quinquagénaires) et les anciens, tels les ex-généraux Thein Sein, Thura Shwe Mann, Thiha Thura Tin Aung Myint Oo et Maung Oo, tous mis à la retraite (de gré ou de force) ?
Des forces d’opposition reconnues
Les futurs débats politiques internes s’articuleront ainsi autour du poids et du rôle des nouveaux parlementaires, y compris au sein des rares cercles démocrates ou ethniques qui disposent désormais d’une base légale d’expression après leur participation aux élections (à la différence de la LND). Malgré le peu de sièges gagnés lors du scrutin de novembre, une force d’opposition distincte de la LND — si hétéroclite et idéologiquement fractionnée soit-elle — est désormais reconnue par le régime. Les milieux activistes disposent d’un champ d’action, certes très limité, mais au moins légal. Encore faut-il savoir si la hiérarchie — actuelle et future — de l’armée se décidera à travailler avec cette nouvelle opposition tolérée, et fort critique. Quoique entaché de fraudes, le vote du 7 novembre ne constitue donc pas un retour en arrière (sans pour autant marquer un progrès). L’opposition apparaît désormais ouvertement multiple et moins dépendante de Mme Suu Kyi. Cette dernière peinera à transformer l’élan populaire qu’elle suscite depuis sa troisième libération en une stratégie unificatrice et efficace, comme lorsqu’elle fut libérée en 1995 et 2002. Elle pourrait se révéler plus habile à réconcilier une communauté internationale fascinée par son aura avec une Birmanie trop longtemps ostracisée. Ainsi la trop lente démocratisation du pays ne doit rien au hasard. Elle est en parfaite cohérence avec son histoire récente. Les généraux birmans apparaissent de plus en plus aptes à comprendre et à utiliser les arcanes stratégiques du monde actuel, tout en les adaptant à la culture politique de leur société. N’oublions pas que, comme Mme Suu Kyi, avant d’être militaires ou démocrates, ils sont birmans.
Premiers signes d'ouverture
Le gouvernement civil formé en mars 2011 reste sous la surveillance étroite de la branche dure de l'armée. Mais, dans le but de briser l'isolement du pays et d'obtenir la levée des sanctions occidentales, il laisse entrevoir une ouverture politique dont prennent acte aussi bien l'opposition intérieure que la communauté internationale. Le contrôle exercé sur les médias est ainsi partiellement assoupli et l'adhésion à des syndicats et le droit de grève sont autorisés ; après la création d'une commission nationale sur les droits de l'homme, quelque deux cents prisonniers politiques sont libérés (octobre), tandis que la Ligue pour la démocratie est réintégrée dans le jeu politique (novembre). En décembre, la secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, effectue une visite historique à Nay Pyi Taw et à Rangoun, la première d'un chef de la diplomatie américaine dans le pays depuis 1955, ouvrant la voie au rétablissement de relations diplomatiques pleines et entières.
La Birmanie resserre parallèlement ses liens avec ses partenaires de l'ASEAN qui accepte de lui confier sa présidence tournante en 2014. Puis, alors qu'une plus vaste amnistie est décrétée et que s'ouvrent des discussions avec la rébellion karen, c'est au tour du ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, de se rendre dans le pays (janvier 2012). Décidée à participer à cette libéralisation encore timide et ayant obtenu la levée des restrictions sur ses déplacements, Aung San Suu Kyi s'engage dans la campagne électorale en vue des élections législatives partielles d'avril 2012. Bien que ce scrutin ne concerne que 45 sièges laissés vacants, dont 37 à la Chambre des représentants, sa régularité est considérée comme un nouveau test de la volonté de réforme du gouvernement birman. La très large victoire de la LND et l'élection d'Aung San Suu Kyi dans la région de Yangon marquent ainsi une importante étape dans l'évolution du régime.
Le parti de la dirigeante de l'opposition birmane Aung San Suu Kyi, promet après cette victoire significative qu'il participerait aux élections de 2015, même si la Constitution actuelle n'est pas amendée et ne permet pas à l'opposante d'accéder à la fonction de présidente. Des rumeurs ont même circulé sur un possible boycott des élections de 2015 par son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND).
Victoire écrasante de la LND en 2015 et 2020
Lors de ces élections législatives de novembre 2015, les premières élections démocratiques depuis 25 ans auxquelles la LND a finalement participé, la participation a été estimée à 80 % de l'électorat. La Commission électorale a annoncé dès le 13 novembre la très large victoire de la LND, le parti de l'opposition de Aung San Suu Kyi, qui a finalement obtenu au total 390 sièges contre 41 à l'UNSD, le parti proche du pouvoir. La LND est ainsi devenue largement majoritaire dans les deux assemblées du parlement birman.
Aung San Suu Kyi ne pourra toutefois pas se présenter pour être élue présidente. La Constitution interdit en effet à un Birman marié à un étranger ou ayant de enfants étrangers, d'accéder au poste suprême. Or, son époux Michael Aris, aujourd'hui défunt, était de nationalité britannique, tout comme leurs deux enfants. Rédigé par la junte aujourd'hui dissoute et adopté par référendum, le texte attribue notamment 25 % des sièges dans les assemblées aux militaires d'active. Mme Suu Kyi a réitéré à de nombreuses reprises que la Constitution devait être amendée pour donner une chance à l'instauration d'une véritable démocratie, dans ce pays dirigé par une junte pendant plus de 50 ans.
(sources
diverses).
En novembre 2020, la LND remporte de nouveau une large victoire aux élections législatives, avec 396 sièges au parlement, soit plus de 60 %, même en tenant compte du quart des sièges réservés aux militaires en vertu de la Constitution.
C'est la confirmation qu'une grande partie du peuple birman continue de faire confiance à Aung San Suu kyi et de la plébisciter.
(sources diverses).
Putch de l'armée en février 2021
Lundi 1 février 2021, l’armée birmane a perpétré un coup d’État, proclamé l’état d’urgence pour un an et placé ses généraux aux principaux postes.
La cheffe de facto du gouvernement civil, Aung San Su Kyi a été arrêtée, ainsi que le président de la République, Win Myint et de nombreux cadres de la LND «Nous avons entendu dire qu’ils étaient détenus à Naypyidaw», la capitale du pays, a précisé à l’AFP le porte-parole de la LND, Myo Nyunt.
Dans un « message au peuple », Aung San Suu Kyi a exhorté la population à « ne pas accepter » ce putsch militaire, d’après une lettre diffusée sur les réseaux sociaux par son parti. L’armée, de son côté, a promis lundi que de nouvelles élections se tiendraient.