Vénérée comme une mère, presque déifiée
"La Dame - The Lady", c’est ainsi que les Birmans nomment Aung San Suu Kyi, d’abord comme une marque de respect, mais aussi parce qu’il a été dangereux, jusqu’au 13 novembre 2010
de prononcer son nom en public et de détenir des photos d'elle sous peine d'emprisonnement.
Ses partisans l’appellent le « papillon de fer » ou, plus affectueusement, Daw Suu (« Mère Suu »). Les journalistes la surnomment plus volontiers la « Dame de Rangoon ».
Prisonnière d’opinion pendant près de vingt ans, Aung San
Suu Kyi est devenue le symbole de défense des droits humains dans son pays et a été pendant de nombreuses années dans le monde (avant la crise et le massacre des Rohingyas) une figure de la résistance à
l’arbitraire.
Un héritage d'engagement
Aung San Suu Kyi est née le 19 juin 1944. Elle est la fille du Général Aung San, héros de l’indépendance birmane, assassiné le 19 juillet 1947, alors qu’il se préparait à diriger le premier gouvernement de son pays.
Aung San Suu kyi n’avait jamais eu d’activités ni d’ambition politique jusqu’à son retour en Birmanie en avril 1988 pour accompagner sa mère dans sa fin de vie. Mais les circonstances dramatiques du pays, la pression et la confiance des amis de son père, le symbole qu’elle a représenté alors pour le peuple l’ont conduite à un engagement long et douloureux. Dès avril 1988 ont commencé les manifestations estudiantines. La grande grève du 8 août 88 (les quatre 8) a été écrasée dans un bain de sang par l’armée qui a fait des milliers de morts ; plus de 6 000 étudiants et intellectuels ont dû fuir vers la Thaïlande ou dans la jungle pour échapper aux arrestations, aux tortures systématiques et aux longues peines de prison. Dans cette épreuve, les opposants se sont naturellement tournés vers Aung San Suu Kyi. Le 26 août, dans un célèbre discours à la pagode Shwedagon, elle annonçait qu’elle rejoignait le mouvement.
Le parti qui a été fondé avec ses disciples, la Ligue Nationale pour la Démocratie (NLD), a remporté 80 % des sièges aux élections de 1990 mais la junte n’a jamais réuni le Parlement élu et Aung San Suu Kyi a été placée en résidence surveillée. De longues peines de prison, de 16 à 20 ans, ont été prononcées contre les dirigeants étudiants comme Min Ko Naing, Ko Ko Gyi, Pyone Cho, Myo Min Zaw, la jeune Mie Mie et le vieux journaliste et vice-président de la NLD, U Win Tin, après des procès à huis clos et en vertu de lois formulées de manière si vague qu’elles pouvaient s’appliquer à tous.
Le 11 juillet 1995, l’assignation à résidence de Aung San Suu Kyi est levée ; les birmans se pressent aux rencontres qu’elle tient chaque week-end devant sa maison. Mais cette relative liberté est de courte durée. Les quinze années suivantes sont faites essentiellement d’emprisonnements et d'assignations à résidence. Le 30 mai 2003, elle échappe même à une attaque armée suite à laquelle elle est emprisonnée.
Après sa libération en novembre 2010, on la dit transformée, et surtout pragmatique !
De fait, à 66 ans, Aung San Suu Kyi, longtemps interdite d'élections ou forcée de les boycotter, a été élue, peu de temps après cette libération, députée du Kalaw, une circonscription multi-ethnique à deux heures de Rangoun, la capitale de la Birmanie.
A l'issue de ce scrutin législatif partiel du 1er avril 2012, la candidate de la Ligue Nationale pour la Démocratie (LND) a rallié 99 % des suffrages. Un triomphe pour la Dame du Lac, en résidence surveillée pendant près de 20 ans dans sa maison décatie des bords du lac Inya.
Lors des élections législatives de novembre 2015, les premières élections démocratiques depuis 25 ans, la participation a été estimée à 80 % de l'électorat. La Commission électorale a annoncé dès le 13 novembre la très large victoire de la LND, le parti de l'opposition de Aung San Suu Kyi, qui a finalement obtenu au total 390 sièges contre 41 à l'UNSD, le parti proche du pouvoir. La LND est ainsi devenue largement majoritaire dans les deux assemblées du parlement birman.
Aung San Suu Kyi ne pourra toutefois pas se présenter pour être élue présidente. La Constitution interdit en effet à un Birman marié à un étranger ou ayant de enfants étrangers, d'accéder au poste suprême. Or, son époux Michael Aris, aujourd'hui défunt, était de nationalité britannique, tout comme leurs deux enfants. Rédigé par la junte aujourd'hui dissoute et adopté par référendum, le texte attribue notamment 25 % des sièges dans les assemblées aux militaires d'active. Mme Suu Kyi a réitéré à de nombreuses reprises que la Constitution devait être amendée pour donner une chance à l'instauration d'une véritable démocratie, dans ce pays dirigé par une junte pendant plus de 50 ans.
En novembre 2020, la LND remporte de nouveau une large victoire aux élections législatives, avec 396 sièges au parlement, soit plus de 60 %, même en tenant compte du quart des sièges réservés aux militaires en vertu de la Constitution.
C'est la confirmation qu'une grande partie du peuple birman continue de faire confiance à Aung San Suu kyi et de la plébisciter.
(sources diverses).
Une icône désormais décriée par la communauté internationale
Inaction d'Aung San Suu Kyi dans la crise et le massacre des Rohingyas.
Pour en savoir plus, ouvrir les liens ci-dessous :
Le déclin (France Info).
Aung San Suu Kyi devant la CIJ (le Monde)
Putch de l'armée en février 2021
Lundi 1 février 2021, l’armée birmane a perpétré un coup d’État, proclamé l’état d’urgence pour un an et placé ses généraux aux principaux postes.
La cheffe de facto du gouvernement civil, Aung San Su Kyi a été arrêtée, ainsi que le président de la République, Win Myint et de nombreux cadres de la LND «Nous avons entendu dire qu’ils étaient détenus à Naypyidaw», la capitale du pays, a précisé à l’AFP le porte-parole de la LND, Myo Nyunt.
Dans un « message au peuple », Aung San Suu Kyi a exhorté la population à « ne pas accepter » ce putsch militaire, d’après une lettre diffusée sur les réseaux sociaux par son parti. L’armée, de son côté, a promis lundi que de nouvelles élections se tiendraient.